Méningite « B:14 » le mystère dévoilé

L’épidémie normande de méningite à méningocoque « B:14 » déchiffrée par son ADN

La Normandie – et plus particulièrement le bassin dieppois – a connu de 2003 à 2012 une épidémie de méningites et autres infections très graves (purpura fulminans) due à la dissémination d’une souche de méningocoque de groupe B particulièrement virulente dénommée « B:14 ». Désormais contrôlée grâce à une vaccination spécifique, cette épidémie avait suscité un grand émoi dans la population, chacun s’interrogeant sur les origines du phénomène.

Les méningocoques (il en existe une grande diversité) sont des bactéries présentes de façon parfaitement saine dans le pharynx d’environ 10 % de la population générale. De longue date, il est établi que celles-ci peuvent se transformer, tel le Docteur Jekyll en Mister Hyde, et être alors responsable d’infections invasives quasi constamment mortelles en l’absence de traitement. Les mécanismes responsables de ce passage à une extrême virulence restent mal connus.

Dans le nouveau numéro de VIRULENCE, revue anglo-saxonne consacrée à l’étude du pouvoir pathogène des micro-organismes, les équipes d’infectiologie-microbiologie du CHU de Rouen et de l’UFR Santé de Rouen, ainsi que le centre national référence (CNR) des méningocoques de l’Institut Pasteur, expliquent le mécanisme par lequel « B:14 » s’est transformé pour devenir ultra-virulent.

Les méthodes les plus récentes d’analyse des gènes bactériens, qui n’étaient pas disponibles au moment de l’épidémie, ont été récemment utilisées et apportent des éléments explicatifs. Il a été étudié des souches « B:14 » isolées lors de l’épidémie, les unes de méningites, les autres de portage sain (congelées en milieux spéciaux les bactéries peuvent être ré-analysées des années plus tard). La comparaison des gènes (en collaboration avec l’équipe INSERM de génétique humaine UMR 1079 de l’Université de Rouen et le laboratoire en recherche génomique de l’Hôpital Universitaire de Genève) a identifié un mécanisme d’invasion activé exclusivement dans les souches de méningite. Il s’agit d’un système permettant à la bactérie de capter le fer présent dans l’organisme humain, ce qui renforce alors ses capacités de virulence. En d’autres termes, le B:14, ce Docteur Jekyll a fortement besoin de fer pour se transformer en Mister Hyde, et devenir une bactérie virulente, particulièrement dangereuse.

Par ailleurs, aucun facteur humain ou environnemental particulier n’a été identifié comme ayant pu favoriser le « phénomène dieppois ». Le présent travail confirme l’hypervirulence de « B:14 » et décrit un mécanisme d’adaptation et de diffusion du clone pouvant expliquer à lui seul l’épidémie.

Le CHU de Rouen remercie les 3 522 volontaires de la zone de Dieppe ayant participé en 2008 à l’étude de portage aboutissant in fine à la présente découverte ainsi que la Région Normandie qui a  financé une bourse de trois années pour le doctorat en sciences consacré à cette recherche. Le CHU tient également à rappeler la contribution importante apportée au fil des années par l’association Méningite Régis 76 pour la mobilisation de tous et notamment l’adhésion à la campagne vaccinale et aux différents programmes de recherche.