Comment comprendre les différentes informations entendues sur le lien entre fumeurs et Covid-19 ?
Les réponses entendues sont parfois contradictoires. Voici donc un point d’information, réalisé en collaboration avec le Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) du CHU.
Lien entre fumeurs et Covid-19
- Une étude chinoise tend(1) à montrer que les fumeurs infectés par le coronavirus ont plus de risques de contracter des formes graves de la maladie et de voir leur état s’aggraver.
- D’autres études mettent en évidence que les fumeurs sont 1,4 fois plus susceptibles d’avoir des symptômes graves de la maladie COVID-19 et environ 2,4 fois plus susceptibles d’être admis dans une unité de soins intensifs avec ventilation artificielle et risque de mort par rapport aux non-fumeurs(2).
- Trois études montrent que dans leurs échantillons de personnes contaminées par le SARS-CoV-2, la proportion de fumeurs est moins importante que dans la population générale (3,4).
Lien entre nicotine et Covid-19
Selon 2 études publiées dans le Jama et The Lancet, une enzyme présente à la surface des cellules notamment pulmonaires agirait comme récepteur au SARS-CoV-2 et serait ainsi une porte d’entrée du virus dans l’organisme humain. Ce récepteur est plus actif chez les fumeurs, ce qui les exposerait plus au risque d’infection COVID-19 comparativement aux non-fumeurs (5,6).
Selon d’autres théories, la faible prévalence du tabagisme des patients COVID-19 pourrait s’expliquer par un effet protecteur de la nicotine et des récepteurs nicotiniques du fumeur. Il se pourrait que la nicotine empêche le virus de se fixer et de pénétrer dans les cellules.
Épidémiologie du tabagisme
Une enquête nationale a été conduite en avril 2020 par Santé Publique France. Parmi les fumeurs interrogés, 27% déclarent que leur consommation de tabac a augmenté depuis le confinement, 54% qu’elle est stable et 19% qu’elle a diminué. La hausse moyenne du nombre de cigarettes fumées par les fumeurs quotidiens est de 5 cigarettes par jour. Les raisons mentionnées par les fumeurs déclarant avoir augmenté leur consommation étaient l’ennui, le manque d’activité, le stress et le plaisir.
L’augmentation de la consommation de tabac est plus fréquemment mentionnée par personnes âgées de 25-34 ans (41%), les personnes en télétravail (37%) et les femmes (31%). L’augmentation de la consommation de tabac augmente avec le niveau d’anxiété, elle est plus fréquente en cas de dépression.
COVID-19 et sevrage tabagique : Est-ce bien le moment ?
L’avis des experts
Annie Lemercier, médecin addictologue, service d’addictologie du CHU de Rouen
La période du confinement n’a pas été propice aux consultations d’aide à l’arrêt du tabac puisqu’elles ont été de fait arrêtées. Malgré cela j’ai continué de maintenir le lien en répondant aux appels téléphoniques pour des conseils, des renouvellements d’ordonnance etc. J’ai appelé dès le début du confinement et un mois après tous les patients de ma file active. La plupart répondait : l’obligation de rester à la maison m’a permis d’échanger avec un certain nombre d’entre eux. Si je n’ai jamais douté des compétences de chacun dans la difficulté, cette période m’a encore plus confortée sur cette capacité à trouver des solutions même quand tout semble compliqué.
La majorité des patients ont maintenu leur arrêt de tabac ou bien ont limité au maximum les « faux pas ». Beaucoup ont d’eux-mêmes adaptés leurs traitements avec beaucoup de justesse.
Cette période, pas facile, leur a permis malgré tout de trouver des stratégies face à l’ennui parfois, face aux émotions négatives telles que la peur, la tristesse ; à retarder quand une envie forte arrivait (il était difficile de sortir au bureau de tabac, les solutions s’imposaient d’elles-mêmes) et même pour une personne sédentaire à reprendre une activité physique via une émission à la télévision. Pour d’autres la situation a été plus compliquée à gérer en même temps que la démarche de sevrage. Mais ce n’est pas grave ! on ne baisse pas les bras et on apprend de tout cela pour mieux réenclencher une démarche. L’éducation thérapeutique vise à rendre le patient compétent et acteur de sa santé. Tous ces échanges et ces retours d’expériences vont dans ce sens et c’est parfait ainsi.
Katia Pichon, psychologue, service d’addictologie du CHU de Rouen
S’il est vrai, qu’il n’y a jamais de bon moment pour arrêter de fumer, cette période si particulière qu’a été le confinement a pu représenter un renforcement positif pour certains patients désireux d’en finir avec le tabac. Le télétravail, le chômage partiel, les enfants à la maison ont été parfois de vraies variables de vie favorables au projet de sevrage.
Occuper les journées, s’inscrire dans un autre rythme, être en distance sociale aura permis d’accéder à ces fameuses stratégies comportementales (travailler lors des consultations) qui emmènent vers la conduite du changement. Pour autant, la chose n’aura pas été aisée pour tout le monde et révèle si il faut encore le rappeler que face à la dépendance, chacun jouera les cartes qu’il peut jouer.
Que l’adversité du moment n’est pas sans impact sur l’humeur de manière générale et sur les angoisses, le stress en particulier. Ce qui néanmoins notable est que, les patients en fin de sevrage n’ont pas repris, ceux qui s’installaient dans leurs nouvelles habitudes et routines les ont maintenues et enfin ceux qui avaient exprimé leurs motivations à l’arrêt sont toujours déterminés même si ils n’ont pas enclenché le mouvement. L’aspiration à accéder au changement relève d’une motivation intime et profonde, se libérer d’une dépendance est un vrai travail d’un entre soi, plus que d’un moment de vie si « extra-ordinaire » soit-il.
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